Jâavais invitĂ© mes beaux-parents Ă dĂźner, espĂ©rant une soirĂ©e conviviale. Lily, ma fille de huit ans, sâĂ©tait prĂ©parĂ©e avec enthousiasme.
Depuis quelques semaines, elle prenait des cours de piano et rĂȘvait dâimpressionner sa famille. đčâš
AprĂšs le repas, elle sâest assise au clavier, les doigts tremblants dâapprĂ©hension. « Tu vas trĂšs bien tâen sortir », lui ai-je soufflĂ© en lui adressant un sourire rassurant. đ
Mais Ă peine avait-elle commencĂ© que des ricanements ont Ă©clatĂ©. Dâabord un gloussement Ă©touffĂ© de ma belle-mĂšre, suivi dâun rire plus franc de mon beau-pĂšre. Puis cette phrase, lĂąchĂ©e avec mĂ©pris :
« Un chien ferait mieux ! » đđ
Jâai vu les Ă©paules de Lily sâaffaisser. Son regard, dâabord brillant dâespoir, sâest voilĂ© de honte. đ Elle sâest figĂ©e, ses mains quittant les touches du piano.
Le sang mâest montĂ© Ă la tĂȘte. đĄ Je connaissais cette douleur. Celle de vouloir bien faire, dâĂȘtre vulnĂ©rable, et dâĂȘtre Ă©crasĂ© par la cruautĂ© de ceux qui devraient nous soutenir.
Dâune voix tremblante, mais ferme, jâai dit : « Ăa suffit. Si vous ne pouvez pas ĂȘtre bienveillants, partez. » đȘ
Ma belle-mĂšre a levĂ© les mains en lâair, faussement indignĂ©e. Mon beau-pĂšre a grognĂ© quelque chose sur la « gĂ©nĂ©ration trop sensible ». Peu importait. Je les ai conduits vers la porte et lâai refermĂ©e derriĂšre eux, le cĆur battant. đ
Lily Ă©tait restĂ©e assise sur le tabouret, les yeux baissĂ©s. Je me suis accroupi prĂšs dâelle et lâai prise dans mes bras. đ€ « Ils avaient tort, ma chĂ©rie. Tu joues merveilleusement bien. Ce qui compte, câest que tu progresses et que tu y prennes du plaisir. »
Le lendemain matin, nous sommes retournĂ©s ensemble au piano. đŒ Lily a posĂ© ses mains sur les touches, hĂ©sitante. « Et si je me trompe encore ? »
« Alors, on recommencera. Ensemble. » đ
Elle a hochĂ© la tĂȘte et sâest lancĂ©e. Cette fois, sa mĂ©lodie Ă©tait plus assurĂ©e. Plus forte. đ”
Je lâai regardĂ©e avec fiertĂ©. đ
Ă partir de ce soir-lĂ , nous avons ajoutĂ© un nouveau rituel Ă nos journĂ©es : chaque soir, aprĂšs le dĂźner, Lily jouait un morceau, et moi, je lâĂ©coutais, applaudissant chaque progrĂšs, chaque fausse note, chaque victoire. đđ¶
Car au fond, la vraie musique nâest pas dans la perfection, mais dans la persĂ©vĂ©rance et lâamour qui lâaccompagne. â€ïžđ”